Je lui avais dit à la blague : « tu devrais raconter ça sur mon blog ». J’aurais jamais cru qu’elle accepterait. Et voilà, c’est fait. Mon amie Marie-Sophie a fait ses premiers pas chez les végés et nous partage ses impressions. Marie-Sophie L’Heureux est une passionnée de marketing social et de changement social. Elle est aussi rédactrice en chef de Santé Inc. et critique gastronomique. Elle blogue ici. ED.
À constater le nombre de photos d’essais végétaliens que je publie sur ma page Facebook depuis les derniers mois, beaucoup d’amis et de membres de ma famille me demandent si je suis devenue « vegan ». Bien que je comprenne l’origine de leur questionnement, non, je les rassure (ou les inquiète, pour ceux qui sont déjà végétaliens!), je n’ai pas encore fait « le » virage à 180 degrés, le saut à pieds joints dans le monde du végétarisme. Et outre le fait que je critique la gastronomie des restaurants d’ici et d’ailleurs, je ne suis pas encore certaine que je le ferai un jour, car j’éprouve une profonde détestation pour les étiquettes. Quelques petites choses ont néanmoins changé dans mes habitudes alimentaires (et dans celles de mon fiancé, qui approuve avec joie ma « démarche » d’ajouter plus de verdure et de « frutage » à nos assiettes) :
1- Je mange moins de repas à base de viande, de volaille et de poisson : environ deux fois par semaine. Mais j’en mange encore… et j’essaie de mieux choisir. Et puisque j’en achète moins, on peut se permettre des produits d’une meilleure qualité (par meilleure, comprendre plus éthique…)
2- Mes portions de produits à base de protéines animales elles-mêmes ont changé. Cinquante à 100 g, c’est amplement suffisant pour un repas contenant de la viande, même si cela choque inexorablement l’imaginaire de ma poissonnière ou mon boucher (« Ben voyons madame L’Heureux, vous ne pouvez pas manger « que » cette quantité à deux! Euh. Oui, je peux!). On fait la part belle aux sucres lents (on est des cyclistes chez nous, après tout!) et aux légumes.
2- Il y a plus de tofu et de lait de soya dans notre réfrigérateur que jamais et un peu moins de yogourt et de lait de vache. Encore là, il y en a toujours, comme il y a aussi toujours des oeufs… mais on a aussi des algues, de l’agar-agar et des graines de lin.
3- Dans cette veine, il y a de nouveaux produits en permanence qui ont atterri dans nos armoires et notre réfrigérateur : levure alimentaire en paillettes, miso, aramé, kombu, tempeh, crème de soja, riz divers, lentilles, cubes de bouillon « vegan » faibles en sodium, etc.
4- La proportion de produits transformés que l’on tient a beaucoup diminué (à l’exception de certaines sauces et condiments). On a le même budget alimentaire qu’auparavant, mais on achète davantage de produits biologique (dont un panier de fruits et légumes par semaine avec le Jardin des Anges).
5- Je lis plus que jamais sur la « chose » alimentaire : le livre d’Élise Desaulniers – vous la connaissez peut-être? – et tous les articles que celle-ci me refile par la voie (divine?) des médias sociaux…
6- Les premiers livres de « chevet » (de cuisine!) dont je m’empare pour trouver de nouvelles idées de repas sont presque toujours Les Carnivores infidèles de Catherine Lefebvre et la bible végétarienne de Mark Bittman (How to cook everything vegetarian). Et quand je veux une solution de remplacement plus légère et plus végétalienne à un classique de ma cuisine (crème sure, fromage, etc.), je cherche activement sur le Web (ou mieux, je demande à Élise!) et je trouve.
Une seule chose n’a toutefois pas changé : j’aime essayer de nouvelles recettes. Et j’essaie toujours autant de nouvelles choses, et ce, pour deux raisons :
1- Cuisiner est un plus grand gage de santé que la consommation de produits industriels, c’est connu. Et je suis une ex-infirmière. J’ai donc ce réflexe de vouloir prendre soin de ma santé, mais j’ai malheureusement aussi hérité du réflexe tout familial « d’aimer la malbouffe ». Le gras, le sucré, le salé, le transformé, ça me connaît (comme vous probablement, ainsi que 95% des gens nés ici dans les 50 dernières années). Et j’aime ça. J’ai aussi été initiée très jeune aux plaisirs gastronomiques des grands restaurants, et j’ai pris goût au foie gras et autres douceurs. Ça aussi, j’aime ça. Le hic, c’est que, génétique oblige, je suis aussi à risque d’être un jour atteinte de diabète de type 2, d’un cancer du sein, et enfin, je suis une excellente candidate à l’embonpoint et à l’obésité. Croyez-moi, je veux éviter autant que possible d’avoir affaire à une chambre d’hôpital au cours de ma vie et je sais que cette responsabilité, c’est avant tout à moi qu’elle incombe, bien avant qu’elle n’incombe à mon médecin ou à mon pharmacien. Pour ceux qui connaissent un peu plus ma petite histoire, j’ai un papa médecin qui n’a pas disons ce qu’on appellerait, un poids très « santé ». Je sais donc que le changement de comportement n’a rien à voir avec la connaissance, mais tout à voir avec la pratique et l’acquisition d’habitudes. Ce n’est pas parce que l’on sait que quelque chose est mauvais pour soi qu’on en change pour autant, je ne vous apprends rien (bonjour la cigarette et l’absence d’activité physique!)
2- Le goût. Je cuisine avant tout par goût. Oui, ma santé. Oui, la gestion de mon budget épicerie. Oui, l’environnement (vraiment, oui!) Mais que devient le plaisir de manger si on n’a plus de plaisir à manger?
C’est donc surtout le goût et la curiosité qui me font essayer toutes ces recettes végétariennes ou végétaliennes. Parfois, j’obtiens un succès très mitigé auprès de mes snobs papilles (ou celles de Dulciné), mais souvent, la dose de bonheur gustatif que j’en retire est grande, très grande même.
Je termine donc ce billet avec une petite recette dénichée sur le Web (merci MarieÈve Savaria!) en espérant que les « omnivores-vegan-friendly » comme moi se promettront de l’essayer. C’est un faux fromage, mais aussi bien dire qu’il s’agit d’un aspic ou d’une mousse aux champignons et aux noix. Pour avoir fait tester le produit à Dulciné et à l’une de mes amies, je confirme que je n’ai pas les papilles « qui me dégèlent », car c’est franchement délicieux. On goûte bien le shiitake, la truffe (attention à la quantité d’huile!), les noix et on a envie d’en mettre partout partout partout.
Alors voilà, je ne suis pas une « végane », pas plus qu’une végétalienne, mais une « vegan-friendly ». Et qui dit friend, dit amie. Qui dit amie, dit « pas obligé d’être pareil ». Et qui dit « pas pareil » dit « se nourrir de la différence ». Bien sûr, je pourrais, comme les rares personnes qui ont arrêté de fumé « du jour au lendemain » (ils sont combien, 1/10 000?), décider de ne consommer que des produits végétaux. Mais je sais ce que je suis (une citoyenne lambda, oui!), d’où je viens et pourquoi je maintiens encore certains comportements. Je sais aussi que changer n’est pas facile, et je sais aussi que si l’ombre d’une coercition s’imposait subtilement à mon esprit – coercition imposée par ma propre morale tout à coup étonnamment ultra-vertueuse ou par les semonces des autres – comme un enfant que l’on oblige à ne pas faire quelque chose qu’il ne veut pas, je résisterais bien malgré moi. Quand on ne change pas, c’est parce qu’on y trouve du bonheur, ou sinon un avantage. Rien ne vaut à mon avis la douceur envers soi-même, la compréhension et « l’auto-empathie » pour arriver à des changements positifs et surtout, durables. Et même si mon objectif n’est pas a priori « d’en changer », qui sait si je ne changerai effectivement pas d’idée, d’habitudes, voire de philosophie même, en cours de route…
Bon « faux » fromage, tous, je retourne dans mon « omnimonde » (sans étiquette bien sûr)!