Le sucre et les aliments transformés
La semaine dernière, Cerveau et Psycho reprenait une étude faite sur des rats qui cherchait à savoir si un régime de type fast food modifiait l’expérience du plaisir. L’équipe de chercheurs a constaté que le fast food provoquait une désensibilisation des circuits du plaisir, obligeant le mangeur à augmenter ses doses pour se sentir satisfait. L’étude rapporte aussi une diminution d’un type de récepteurs de la dopamine, la molécule du plaisir. Ces modifications sont les mêmes que celles produites par la cocaïne et l’héroïne. Dans les faits, ce n’est évidemment pas le fast food en soi qui crée la dépendance, mais bien le sucre qu’il contient, une conclusion à laquelle était aussi arrivée une équipe de chercheurs de Princeton il y a deux ans. On a là toute l’essence de ce qu’on appelle la nourriture transformée : fournir du sucre, le carburant préféré du cerveau, plus rapidement et efficacement.
Le sucre (ou glucose) fournit de l’énergie à court terme et c’est surtout le principal carburant du cerveau. On peut comprendre d’un point de vue évolutionniste que sa consommation procure du plaisir : dans la nature, on ne le trouve pas facilement (que dans les fruits et certains légumes) et comme il n’est pas stocké en tant que tel (il est plutôt transformé en gras), sa recherche doit être quotidienne. Or, lorsqu’on mange une pomme, on consomme aussi des fibres qui ralentissent absorption du sucre et surtout, qui nous font sentir rassasiés. Quand la nourriture est transformée, ces fibres sont enlevées et on n’a plus ce sentiment de satiété: on en veut toujours plus.
Question de raffinement
Dans In Defense of Food, Michael Pollan rappelle que la farine raffinée, « inventée » au 19e siècle, est le premier fast food. À l’époque, la farine blanche a commencé à être préférée aux grains entiers pour des raisons de prestige et de raffinement (!) – c’était un luxe que seuls riches pouvaient se payer. Lorsqu’on raffine un grain de blé, on enlève l’enveloppe (le son) et le germe pour ne garder que l’amande farineuse ou endosperme. Le son et le germe sont bourrés de nutriments, mais le germe contient aussi de l’huile qui donne une teinte jaunâtre et une odeur rance à la farine, ce qui dégoûtait les ménagères.
En raffinant la farine, on gagnait du point de vue esthétique et la perte de nutriments n’était pas une inquiétude. La farine blanche est aussi plus facile à digérer parce qu’elle ne contient pas les fibres qui normalement ralentissent l’absorption du sucre. Et surtout, plus la farine est moulue finement, plus elle est exposée aux enzymes digestifs et plus vite la fécule est transformée en glucose. Que du bonheur. On a aussi réalisé que la farine raffinée se conservait plus longtemps, justement parce que moins nutritive donc moins attirante pour les insectes. La farine pouvait maintenant être transportée sur de longues distances. De gros moulins industriels allaient fournir de la farine blanche à bas coût.
Le problème, c’est que cette superbe poudre blanche n’avait absolument aucune valeur nutritive. Dès que son utilisation s’est répandue, on a vu apparaître des épidémies de Pellagra et de Béribéri, des maladies liées au manque de vitamine B, qui était jusque là fournie par le germe de blé. Dans les années 30, on a donc commencé à « fortifier » la farine de vitamine B et plus récemment, on lui a ajouté de l’acide folique. Ce qui ne suffit pas à enrayer les autres maladies liées au raffinage de la farine que sont l’obésité, le diabète, les maladies coronariennes et certains cancers. On comprend rapidement que la valeur nutritive d’un aliment est supérieure à la somme de ses parties et on ne parvient pas à retrouver les bénéfices des grains entiers en suppléant aux manques des grains transformés.
Personne ne va s’enrichir à vendre des aliments entiers. L’argent se fait dans la transformation. Et surtout, on devient riche en donnant au consommateur ce qu’il veut – du sucre. Aujourd’hui, la moitié des calories consommées aux États-Unis et au Canada viennent du sucre. Non seulement les grains entiers sont transformés pour être « plus sucrés », mais le sucre est aussi ajouté partout.Les calories qui proviennent du sucre n’apportent rien d’autre que de l’énergie immédiate mais ne sont pas satisfaisantes. Le cerveau en redemande et on a encore faim. Le diabète, les maladies cardiaques, certains cancers et l’obésité sont directement liés à une trop grande consommation de sucre.
En pratique :
- Préférez les grains entiers (riz brun, farine entière, avoine, orge, etc).
- Remplacez les « pâtes blanches » par des pâtes entières de riz brun, de kamut, etc. Eden Food en offre une belle sélection.
- Dans la plupart des recettes, on peut réduire considérablement la quantité de sucre suggérée sans que le goût en soit affecté. De plus, privilégiez les sucres naturels aux sucres raffinés : sirop d’agave, sirop d’érable, etc… Un petit guide pour s’y retrouver.
- Limitez votre consommation de sucres ajoutés à 48g par jour (certains disent que c’est même trop).
- Attention aux boissons! On sait que les colas sont sucrés (22g de sucre dans une canette de Coke) mais la bière l’est aussi : 14g de sucre dans une bouteille.
- Évitez les aliments transformés et jetez un oeil à la liste d’ingrédients. Sucrose, saccharose, fructose, glucose, maltose, lactose, dextrose, maltodextrine, sucre inverti, sirop de mais, sirop de malt, sirop de glucose, concentré de fruits = sucre.
- Prenez des collations « santé ». Quand le taux de sucre baisse dans l’organisme, c’est d’abord le cerveau qui est en manque. Le goût du sucre vient à ce moment-là, avec une baisse de la concentration et une augmentation de l’irritabilité. Entre les repas, l’idéal est donc de prendre un fruit. Le cerveau aura son carburant et les fibres aideront à l’absorption du sucre.