Racisme et question animale

Au cours des dernières semaines, j’ai été choquée de lire quelques commentaires racistes parsemés sur des forums végés. On parle d’une petite poignée de commentaires, de quelques personnes seulement, des commentaires vite condamnés par la communauté. Tous s’entendent pour dire que le racisme n’a jamais sa place.

Si j’ai décidé d’écrire cet article, c’est justement parce que je suis convaincue que la très très grande majorité de celles et ceux qui militent pour qu’on considère moralement les animaux souhaitent aussi militer contre le racisme. Le problème, c’est que le racisme est parfois difficile à reconnaître :  il est très habile pour s’immiscer là où on s’y attend le moins. Il peut être très subtil. On peut avoir du mal à le discerner ou même à éviter  de tomber dedans nous-mêmes.

Ce qui suit est la traduction libre d’un texte publié récemment par la juriste et activiste végane Doris Lin qui examine justement la question du racisme et des droits des animaux.


Qu’est-ce que le racisme ?

D’après le American Heritage Dictionary, le terme racisme a deux significations. La première : le racisme est « La croyance que la race explique les différences de caractère ou de capacité et qu’une race en particulier est supérieure aux autres. » La seconde : le racisme est une « Discrimination ou un préjugé fondé sur la race. »

La question de savoir si quelque chose est raciste peut être l’objet de débat. En fait, très peu de personnes s’identifient comme racistes, mais plusieurs n’ont aucun problème à juger les autres d’après leur race ou leur origine ethnique.

De plus, une remarque n’a pas à suggérer la supériorité ou l’infériorité d’une race pour être offensante ou raciste. Un commentaire général à propos d’un groupe de personnes est offensant, peu importe que ce commentaire soit positif, négatif ou neutre. Pour faire simple : les gens sont des individus avec des caractéristiques individuelles et il est toujours mal de considérer que toutes les personnes d’une race donnée sont semblables.

La question est encore plus complexe quand on considère que la race est un construit artificiel et n’a rien de naturel. Il n’y a pas d’origines biologiques aux classifications raciales. Ces classifications ont été créées par nos sociétés, pas par nos gènes.

Le racisme dans les campagnes pour les droits des animaux

Les militants pour les droits des animaux sont parfois accusés de mener des campagnes racistes lorsque les campagnes visent une activité qui est plus populaire auprès d’une culture ou d’un pays à l’extérieur de la culture américaine dominante. Parfois, ces accusations sont fondées.

Lorsque les militants prétendent que certaines races ou groupes ethniques n’ont pas de compassion pour les animaux, sont méchants ou des « barbares sadiques», il traversent la ligne : ce sont des commentaires offensants et racistes. Quelle que soit l’exploitation animale qui est en question, il est mal de classer un groupe de personnes d’après ce qu’un sous-ensemble fait. De la même façon, qu’il serait mal de dire que tous les Américains sont des barbares sadiques parce qu’ils mettent les veaux dans des cages, il est offensant de condamner un pays tout entier, une culture ou une race pour le massacre des phoques, le dépeçage de chiens ou les combats de coqs.

Éviter la rhétorique raciste

Plutôt que de pointer la race, la culture, le pays ou les gens impliqués, on doit plutôt insister sur l’exploitation animale elle-même. Exposer, par exemple, ce qu’un certain gouvernement permet ou qu’une tradition implique n’est pas raciste. En revanche, faire des généralisations à propos d’un groupe de personnes est offensant. On doit condamner l’activité, pas la culture.

Par exemple, lorsqu’on fait campagne contre la chasse aux baleines au Japon, il est correct de condamner la chasse, les chasseurs ou les actions du gouvernement. Il n’est pas correct de condamner tous les Japonais, la culture japonaise ou le Japon en entier.

Une affirmation n’a même pas à manifestement raciste pour l’être. Des termes comme « ces personnes », « ceux-là » permettent de subtilement souligner les différences sans dire explicitement qu’un groupe de personnes est différent ou inférieur.

Il faut aussi faire prendre garde au spécisme dans ces situations. Protéger des espèces menacées est une chose, mais la protection des animaux ne devrait jamais être fondée sur leur intelligence ou leur apparence. Affirmer ou laisser entendre qu’une baleine mérite plus d’attention qu’une vache renforce l’exploitation des vaches.

Quand est-ce que ce n’est pas du racisme ?

Dans quelques cas, les défenseurs des droits des animaux ont été accusés de racisme lorsque l’activité visée par leurs accusations n’était pratiquée que par un groupe minoritaire. Dans ces cas, à moins que l’objectif d’une campagne soit de persécuter un groupe minoritaire, elles n’est  pas intrinsèquement raciste.

C’est facile de voir comment les Chinois vivant en Amérique peuvent se sentir injustement visés par les campagnes pour l’interdiction de la pêche aux ailerons de requins. Mais les campagnes visant l’interdiction de certains types d’exploitation animale sont menées parce que la souffrance des animaux outrepasse les bénéfices qu’on en retire. C’est vrai pour la fourrure de chat et chien, le foie gras, la chasse au phoque, les combats de chiens ou de coq par exemple. Ça ne veut pas dire que les bénéfices outrepassent la souffrance dans les autres cas d’exploitation animale, mais ces cas semblent plus évidents pour le public.

La pêche aux ailerons tombe dans cette catégorie parce que la soupe aux ailerons est consommée comme un bien de luxe : le bénéfice qu’on en retire est minimal. Bien qu’il soit important d’éviter la rhétorique raciste lorsqu’on fait campagne contre la pêche aux ailerons de requins, les campagnes pour mettre fin à ces pratiques ne sont pas racistes.


 

Pour aller plus loin

Cet article n’a pas la prétention d’être exhaustif et de faire le tour de l’importante question des discriminations raciales. Je n’ai pas non plus abordé un sujet fondamental : les liens qui existent entre la lutte contre le racisme et la lutte pour les droits des animaux. Pour aller plus loin, deux suggestions parmi des tonnes de lectures pertinentes : Sistah Vegan de la Dre Amie Breeze Harper et le blogue Vegans of Color.

 

L’illustration  du texte est une troublante photo de Martin Luther King et un chien policier en 1964.