Pester contre les pesticides

Cette semaine, l’Environmental Working Group (EWG) mettait à jour son palmarès des aliments contenant le plus et le moins de pesticides, les Clean 15 et Dirty Dozen. Établies d’après les analyses de la USDA (le Ministère de l’agriculture américain), ces listes visent à aider le consommateur à faire des meilleurs choix. Selon l’EWG, quelqu’un qui choisit chaque jours cinq portions de fruits et légumes de la liste Clean plutôt que de la liste Dirty consommerait 92% moins de pesticides.

Clean 15: les moins contaminés

  1. Oignon
  2. Maïs
  3. Ananas
  4. Avocat
  5. Asperge
  6. Pois sucrés (congelés)
  7. Mangue
  8. Aubergine
  9. Cantaloup (É-U)
  10. Kiwi
  11. Chou
  12. Melon d’eau
  13. Patate douce
  14. Pamplemousse
  15. Champignon

Dirty Dozen: les plus contaminés (à consommer bio si possible)

  1. Pomme
  2. Céleri
  3. Fraises
  4. Pêche
  5. Épinards
  6. Nectarine (importée)
  7. Raisins (importée)
  8. Poivron doux
  9. Pomme de terre
  10. Bleuets (É-U)
  11. Laitue
  12. Kale

Peut-on s’y fier ?

Oui et non… Il s’agit d’une liste américaine. Une grande partie des fruits et légumes qu’on consomme sont importés des États-Unis, du Mexique, du Chili ou du Costa-Rica, comme ceux de la liste. Par contre, les aliments canadiens pourraient avoir des teneurs en pesticides différentes. Je dis pourraient parce que le programme de surveillance de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) n’a pas publié ses donnés depuis 2005…  Mais bon. Même si les pesticides utilisés ici sont sensiblement les mêmes qu’aux États-Unis, on a habituellement tendance à en épandre un peu moins. Aussi, certains produits comme le bromure de méthyle utilisé dans la culture de fraises en Californie sont carrément interdits chez nous.

Il faut aussi savoir que les analyses utilisées par l’EWG sont faites sur les aliments prêts à être consommés. Comme j’en parlais avec Audrey Lavoie ce matin, cette liste ne mesure pas la quantité de pesticides épandus dans la culture du fruit ou du légume. Par exemple, ce n’est pas parce que les ananas sont sur la liste des Cleans que leur culture n’est pas responsable de l’intoxication de plein de travailleurs et la pollution de rivières (voir à ce sujet le dossier du Guardian). S’il sont Clean, c’est simplement qu’on ne mange pas la peau qui absorbe tout. Même chose pour les bananes et les avocats… D’ailleurs, les aliments les plus Dirty sont ceux qu’on consomme entiers. Acheter des légumes de la liste Clean n’est donc pas une garantie de bonne pratique environnementale ou sociale.

Attention, poison !

On fuit les pesticides comme la peste sans trop savoir ce que c’est et sans connaître l’impact de ces produits sur l’environnement et notre santé. À la base, un pesticide, c’est une substance émise dans une culture pour lutter contre des organismes nuisibles. Un terme générique qui rassemble les insecticides, les fongicides et les herbicides : des produits qui s’attaquent aux insectes ravageurs, aux champignons, aux bactéries et aux « mauvaises herbes ».

On sait maintenant que des résidus de pesticides se retrouvent dans les cours d’eau, dans les sédiments, dans l’air, sur des végétaux et dans la nourriture. Les pesticides les plus utilisés ne sont pas sélectifs : ils s’attaquent aussi bien aux vertébrés qu’aux invertébrés et touchent particulièrement les oiseaux. Dans les zones rurales, ceux-ci deviennent moins nombreux et leur déclin est directement associé à l’utilisation de pesticides. Les organophosphorés (comme le Lorsban, largement utilisé) par exemple affecteraient le nombre d’œufs par portée et augmenteraient le risque de malformation chez les oisillons

Chez les humains, les pesticides représentent l’une des causes les plus fréquentes d’empoisonnement involontaire et sont aussi associés à des problèmes graves de développement. Bien que les risques ne soient pas tous bien connus, de plus en plus d’études établissent des relations entre l’exposition à de faibles résidus et des effets graves sur la santé humaine : cancer, atteintes génétiques, certains troubles de la reproduction et du développement, dégradation des systèmes immunitaire, endocrinien et nerveux, etc. Les enfants seraient particulièrement vulnérables.

On a souvent tendance à l’oublier, ce sont les travailleurs agricoles et leurs familles qui sont les premiers touchés par ces effets. Chaque année, entre 2 et 5 millions de travailleurs à travers le monde sont empoissonnés et 40 000 en meurent.

Dangereux jusqu’à quel point ?

Une amie mère de deux jeunes enfants me demandait ce matin jusqu’à quel point elle devait s’inquiéter de la présence de pesticides sur les aliments qu’elle consomme et si elle devait tout acheter bio.

On ne répétera jamais assez que les bénéfices des fruits et légumes sur la santé dépassent largement les risques associés à la consommation de traces de pesticides.  Mais les risques sur la santé des pesticides sont mal connus et le concept de dose journalière acceptable, qui est sensé désigner la quantité maximale de pesticides que les consommateurs peuvent ingurgiter quotidiennement toute leur vie sans tomber malade, et qui est à la base des « normes » utilisée, est une véritable boîte noire sans réel fondement scientifique, comme l’explique la journaliste Marie-Monique Robin dans Notre poison quotidien.

Au minimum, on peut aussi rincer à l’eau les fruits et légumes conventionnels (éventuellement avec du savon ou du bicarbonate de soude pour enlever la cire). Sauf que de nombreux auteurs recommandent une plus grande précaution pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. Même si les gouvernements nous disent de ne pas nous inquiéter, ces personnes plus sensibles devraient manger, autant que possible, des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique… Et les autres essayer de faire de même !